Le coup de fil

Le coup de fil

– « Allô, c’est ici pour des cours de chant ? »

Le coup de fil qui ose

Lorsque les gens m’appellent pour prendre des cours de chant, ils ont tous un petit « truc » qui me donne des indications précieuses sur leur tessiture (basse, baryton, ténor, mezzo ou soprano) et sur ce qu’il va falloir travailler… j’adore ça ! « Allô ? … heu… pardon… euh… excusez-moi… mais je me trompe peut-être de numéro… ce serait pour avoir…. des informations sur …. Euh… des cours de chant » ! Le tout en 2 bonnes minutes que je ponctue de « Oui » bienveillants pour tenter de les détendre et de les féliciter d’avoir osé prendre leur téléphone pour passer à la première action : oser appeler. Bravo !

Tout en écoutant, j’imagine déjà le chanteur en train de tripoter nerveusement le bas de sa chemise ou de détruire la coque de protection de son smartphone. La voix s’excuse déjà d’exister et d’oser s’adresser à une spécialiste du chant… Je mets alors mon plus beau sourire dans ma voix et j’habille mon cœur de fête pour accueillir ce nouvel artiste en herbe à qui je ferai, en tout premier lieu, une bonne séance de « détends -toi, rigole un coup et ta puissance s’exprimera dans ta voix ! »

On entend la tessiture dans la voix parlée…

L’écoute est cruciale pour rassurer et repérer la tessiture de cette soprano dont le petit rire clair éclate comme des milliers de perles dévalant un escalier.

Je sais, à l’entendre tousser à chaque début de phrase, que ce baryton a dû forcer sa voix pour s’obliger à chanter en ténor. Dès le premier cours, je lui montrerai le miracle de la tonalité qui lui va sans forcer…

J’entends à ses chapelets de « heu… » que cette mezzo colorature pourrait tout déchirer en développant sa confiance en elle et en ses sons graves (qui expriment la profondeur de son être) et, si elle acceptait de lâcher son cri en chantant des chansons des pays de l’Est genre : « le temps des gitans », je me réjouis d’avance !…

La question essentielle à se poser

Après quelques échanges, je demande d’un ton enjoué : « Et vous, que souhaitez-vous donner, expérimenter ou partager à travers votre voix ?

Silence abyssal…

« …quelles sont les chansons qui vous parlent le plus et que vous aimez chanter ? »

J’entends dans ce silence une cacophonie de radios, de clips aux chanteurs bodybuildés hurlant à des filles en short et veste en fourrure que la musique est cotée en bourse et qu’ils en ont… heu… Des bourses ou de la musique ? ; =))

J’entends surtout, au bout du fil, le souffle noir de la peur du jugement. Je perçois la détresse d’un enfant qui aime tout simplement chanter, mais qui s’est laissé embringuer dans des dictats qui l’empêchent d’offrir sa voix simplement pour le plaisir d’être lui-même… Parce que chanter ça fait du bien, tout simplement !

Je mets alors toute la douceur et la tendresse du non-jugement dans ma voix et tente de rassurer la voix qui s’efface à l’autre bout du fil…

Parfois, quand il s’agit d’un grand timide, la conversation s’arrête brusquement par un « mais… je vois que vous ne donnez pas de cours le dimanche  » ou bien :  « de toute façon je ne peux pas me libérer avant 22h30 en semaine et vos cours sont trop loin de chez moi… Non, je n’avais pas vu sur le site… »Puis la voix s’éclaire d’un :  » Ah, vous donnez des cours de chant en ligne ? Ça sera peut-être bien pour moi, ça ! On peut commencer toute l’année ?… »

C’est fou comme une petite phase comme : « Que souhaitez-vous donner, expérimenter ou partager à travers votre voix ? » peut mettre fin rapidement à un dialogue et – je le souhaite en tous cas – aider les timides à se poser la vraie question : « que souhaites-tu donner à toi et aux autres à travers ta voix ? ».

Allez courage ! C’est certainement toute la force de votre beauté intérieure que vous souhaitez donner, mais vous ne la reconnaissez peut-être pas encore… Pourtant elle est là et n’attend qu’une note de vous !


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